Les temps sont durs pour les médias locaux en Macédoine. Si les chaînes de radio et de télévision locales sont trop nombreuses, les journaux locaux ont pratiquement disparu. Et tous subissent la concurrence des médias nationaux, indirectement soutenus par l’État. Une synthèse de la table ronde « Les médias locaux de Macédoine face à leurs défis », organisée le 4 juin 2008 par le Courrier de la Macédoine.
Par Thomas Claus
Mieux vaut être un média national soutenu par l’État qu’un média local voué à lui-même. Le secteur est difficilement viable en Macédoine : entre l’abondance de l’offre et la focalisation de l’État sur les médias nationaux pour la publication de ses campagnes, l’atmosphère est presque irrespirable pour les médias locaux. Pourtant, le pays est en pleine décentralisation. Qui va donc assurer le besoin d’information requis par la démocratie locale ?
Voici, en substance, les soucis partagés par les médias locaux du pays, tels que les a exprimé pour le Courrier de la Macédoine un panel de journalistes. L’échange s’est tenu lors d’une table ronde intitulée « Les médias locaux de Macédoine face à leurs défis », organisée à l’Université de l’Europe du Sud-Est (Tetovo) le 4 juin. Étaient invités Mevaip Abdiu et Nebojša Karapejovski, respectivement propriétaire de TV Koha et de TV Menada, Arben Fetahi et Mende Mladenovski, rédacteurs en chef respectifs des hebdomadaires Monitor et Bitolski Vesnik, mais aussi Liljana Siljanovska, professeur à l’Université de l’Europe du Sud-Est et spécialiste des médias locaux. Et pour assurer la médiation du débat, Ljubica Grozdanovska, journaliste et collaboratrice régulière du Courrier de la Macédoine.
L’inquiétude majeure des médias locaux en Macédoine semble être l’identification du modèle à adopter pour survivre. « Sous la République Socialiste de Macédoine, les médias locaux étaient conçus comme un service public, entièrement financé par l’État », rappelle Mevaip Abdiu. « Aujourd’hui, la libéralisation du secteur des chaînes de télévision et de radio a créé une situation de ‘surpopulation’ audiovisuelle insoutenable sur le plan de la concurrence ».
Et la concurrence la plus rude n’est pas celles que les médias locaux se livrent entre eux, mais celles qu’ils subissent de la part des médias nationaux dans le démarchage d’annonceurs publicitaires privés… et publics. « L’État macédonien est le meilleur partenaire des médias nationaux, affirme Mende Mladenovski. Le gouvernement leur achète de l’espace publicitaire pour ses campagnes de promotion et de sensibilisation. Cela représente des sommes importantes. Pendant ce temps, il délaisse les médias locaux : plus l’État se décentralise, plus le secteur des médias se centralise ».
Autre possibilité : les soutiens étrangers. L’hebdomadaire Monitor, qui couvre la région de Tetovo et Gostivar en macédonien et en albanais n’a pu se développer que grâce à des financement étrangers attirés par l’originalité de la formule.
Pour Liljana Siljanovska, le temps des subventions publiques est dépassé. Les médias locaux ne doivent compter que sur eux-mêmes et assurer leur viabilité par une gestion optimale et en fournissant des informations de qualité. Si chacun affirme se battre pour assurer cette qualité, Nebojša Karapejovski convient qu’il est difficile d’atteindre un certain niveau avec le « personnel sous-payé, voire carrément bénévole, des télévisions locales ».
Nebojša Karapejovski compte néanmoins sur un développement technique des chaînes de télévision, avec entre autre le passage au numérique. Selon lui, ces transformations permettront d’effectuer un tri susceptible de diminuer le nombre des chaînes « qui comptent » et d’alléger la concurrence. « À condition que le public macédonien ait les moyens financier de suivre », tempère Mevaip Abdiu.
Du côté de la presse écrite, l’avenir apparaît plus sombre. Le secteur a connu un phénomène inverse à celui des chaînes de télévision et de radios : les journaux locaux ont pratiquement disparu du pays. L’avenir du Bitolski Vesnik est loin d’être assuré. Arben Fetahi refuse le pessimisme quant à l’avenir de Monitor. Il regrette néanmoins que la Macédoine en soit arrivée à cette quasi-absence de presse écrite locale : « un journal, ce n’est pas comparable à de l’information radio ou télé… C’est irremplaçable ».
Cette table ronde a reçu le soutien du Conseil régional de Basse-Normandie, du Ministère des Affaires étrangères et de PricewaterhouseCoopers.