Accueil rural, randonnées, valorisation du patrimoine… L’idée d’un tourisme durable fait son chemin en Macédoine. Si les fonds manquent encore et si les acteurs restent dispersés, des initiatives voient le jour. Plusieurs projets de coopération tentent de créer une dynamique. Compte-rendu d’une table ronde organisée à Skopje par le Courrier de la Macédoine.
Par Thomas Claus
Une activité économique créatrice d’emplois, respectueuse de l’environnement, fondée sur le patrimoine naturel ou culturel et réalisable en Macédoine… Cette pierre philosophale a peut-être vu le jour, sous la forme du tourisme durable. Accueil rural, découverte des richesses naturelles ou culturelles : le concept prend plusieurs formes. De Strumica à Tetovo, beaucoup y pensent. Certains s’y essaient, avec plus ou moins de succès. La question fait aussi l’objet de projets de coopération, entre autres avec la Basse-Normandie et les Hautes-Alpes.
Le 2 octobre, le Courrier de la Macédoine a rassemblé à Skopje des acteurs macédoniens et français du tourisme durable. Objectif : dresser un tableau des initiatives en cours et lancer des perspectives de développement.
« En Macédoine, on n’a pas la mer. On ne peut pas accueillir de tourisme de masse : on n’en a tout simplement pas les moyens. Le tourisme alternatif est une opportunité que nous ne pouvons pas laisser passer », souligne Zoran Nikolovski, représentant du ministère de l’Économie.
« Les Macédoniens ont de bonnes idées, mais deux choses manquent pour le développement d’un tourisme durable : des fonds et un travail d’analyse de la construction d’une offre. Il faut créer davantage de liens entre les acteurs locaux, les agences touristiques et les organisations liées au développement », explique Zoran Stojkovski, directeur du CIRa. Dans le cadre d’un projet de coopération décentralisée entre le pays et la Région Basse-Normandie, cette ONG soutient le développement du tourisme durable en Macédoine.
Zoran Nikolovski, le représentant du ministère de l’Économie, partage ce diagnostic. À ses yeux, la Macédoine ne manque pas de ressources exploitables dans le cadre du tourisme durable. « Le pays a tout pour plaire aux adeptes du tourisme actif : les randonneurs, les amateurs de parapente. Et les gens qui se sentent moins aventuriers trouveront leur bonheur dans nos installations thermales. » Il assure que, grâce à l’Union européenne, la Macédoine aura accès dès l’an prochain à un soutien financier spécialement destiné au tourisme local dans le cadre du programme de développement rural IPARD.
Mais il reconnaît que la création d’un tourisme durable dans le pays demande encore un gros travail en amont. « Les acteurs locaux n’ont pas une pleine conscience de ce qu’ils pourraient réaliser dans le domaine du tourisme durable. Et tant qu’ils manquent de moyens, cela reste difficile à concrétiser : un agriculteur ne peut pas accueillir d’hôtes chez lui s’il n’a pas de chambres à leur offrir. Par contre, on peut développer des structures d’accueil dans les monastères. »
L’idée fait mouche. « L’idée des monastères est riche. Un monastère, ce n’est pas simplement un bâtiment, mais c’est aussi tout une histoire, tout une culture », s’enthousiasme Eugène-Loïc Ermessent, président du Parc Normandie-Maine, en visite en Macédoine pour témoigner de son expérience. Il encourage les acteurs locaux à valoriser cette histoire et cette culture. Pour lui c’est bien ainsi que les projets peuvent faire sens. « Il faut définir un produit. Il faut le caractériser pour le présenter comme ‘macédonien’ ou comme ‘local’, ça c’est votre choix. Il faut le connecter à d’autres éléments. Par exemple, accueillir des gens à la campagne, tout en proposant de la randonnée et de la découverte culturelle. »
« Les gens savent ce qu’ils veulent »
C’est dans cette perspective que travaillent le CIRa et son partenaire français, l’association Savoir Faire et Découverte. Dans le cadre de la coopération décentralisée entre la Basse-Normandie et la Macédoine, les deux organisations ont fait venir en juin 2008 des étudiants français dans la région de Mariovo. Encadrés par deux experts, un Français et un Macédonien, les étudiants ont réalisé un inventaire du patrimoine bâti de cette région, célèbre pour la beauté de ses villages [1].
L’opération a fourni l’occasion de rassembler les habitants des municipalités alentour pour établir un plan d’action. « L’un des débats s’est tenu à Staravina. Ce village ne compte plus que treize habitants », raconte Zoran Stojkovski. « Ces gens misent sur l’aménagement de structures d’accueil rural pour sauver leur village. Ils savent ce qu’ils veulent. Ce qui leur manque, c’est un soutien structurel. Ils ne demandent qu’à entrer en contact avec les autres acteurs de la chaîne touristique. Ils voudraient établir une sorte de ‘chambre touristique’ qui permettrait de connecter les partenaires. »
Présents lors de la table ronde du Courrier de la Macédoine, plusieurs représentants d’agences touristiques se disent intéressés par l’idée de créer des liens avec les structures locales. Tous s’accordent sur un point positif : la décentralisation du pouvoir en Macédoine rassemble enfin les conditions nécessaires pour faciliter la coopération entre municipalités, acteurs locaux et agences touristiques.
Cette table ronde a reçu le soutien du Conseil régional de Basse-Normandie, du Ministère des Affaires étrangères et de PricewaterhouseCoopers.
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[1] Lire à ce propos Macédoine : patrimoine et tourisme durable à Mariovo.