A l’heure où la coopération entre dans sa deuxième phase, trois de ses acteurs jettent un regard personnel sur le travail déjà accompli, et sur ce qui reste à faire. La coopération vient de fêter ses trois ans. Trois ans seulement pourrait-on dire. Mais pour ceux qui, du côté macédonien, participent à l’aventure, le chemin parcouru est déjà riche. Qu’ils viennent de rejoindre le projet ou qu’ils le fassent vivre depuis ses débuts, les partenaires jettent sur la coopération un regard positif. Fiers du travail déjà accompli, ils témoignent, et envisagent l’avenir.
Par Axel Leclercq
« Franchement, je suis très frappé par l’efficacité de cette coopération ». Pour Jean-Yves Lavoir, Conseiller de coopération et d’actions culturelles auprès de l’ambassade de France à Skopje et Directeur du Centre culturel Jean Monnet de Skopje, pas de doute, le travail réalisé depuis trois ans est un succès. Un jugement d’autant plus crédible qu’il est rendu avec la plus grande objectivité. Jean-Yves Lavoir est en effet le dernier à s’être plongé dans le bain de la coopération Macédoine/Basse-Normandie. « Je n’ai pris mon poste qu’au début de mois de septembre », tient-il à préciser d’emblée, comme pour ne pas tirer la couverture à lui ou laisser croire que la réussite qu’il décrit serait de son fait.
Nouveau dans le projet, l’homme se fait peu à peu une idée précise de l’avancement de la coopération. « J’ai assisté récemment au dernier comité de pilotage à Caen, ce qui m’a permis de vite comprendre l’aspect fondamental et très sérieux de ce dossier ». Et pour avoir collaboré à d’autres programmes de coopération, Jean-Yves Lavoir sait de quoi il parle. « Il est évident que cet échange entre la Macédoine et la Basse-Normandie est un véritable élément dynamisant de ce pays. Beaucoup de structures macédoniennes, qu’elles soient associatives, économiques, politiques ou culturelles ont été associées. Et je suis très frappé par leur implication ». Voilà un point qui n’est pas pour déplaire à cet agent du ministère des Affaires étrangères et européennes. « Le rôle d’une ambassade est notamment d’encourager toute initiative susceptible d’associer deux pays, et ce, dans tous les domaines. En multipliant les relations, cette coopération y contribue largement ». Le Conseiller de l’ambassade veillera donc à ce que tout cela continue, et se tient prêt, en cas de besoin, à jouer « un rôle de soutien » dans l’avenir. Un avenir qu’il envisage avec optimisme. « En trois ans de temps, la coopération a construit des bases solides qui devraient nous permettre, au cours de la seconde phase qui commence, d’obtenir les premiers résultats concrets. » Un exemple : « La Macédoine cherche à mieux structurer ses bureaux de développement régional. La Basse-Normandie devrait l’y aider ».
Mais attention, Jean-Yves Lavoir tient à ce que cette coopération joue également en faveur de la Basse-Normandie. Pour lui, les Normands aussi pourront en tirer profit, et il tient à le faire savoir. « Dans des domaines tels que l’agriculture, le tourisme ou le patrimoine, il reste en macédoine d’importants champs économiques à investir. Les relations institutionnelles mais aussi humaines qui sont en train de se tisser entre les deux territoires pourraient avoir comme retombées indirectes l’ouverture de ces marchés aux acteurs économiques ou culturels bas-normands ».
Que la coopération soit bénéfique à tous, tel est également l’un des objectifs d’Ivana Dimitrovska. Coordinatrice générale du projet au sein de l’ALDA, cette Macédonienne croit en la réciprocité des actions et à la force des échanges. Un optimisme certain qu’elle s’est forgée au fil des ans. « J’ai commencé à me pencher sur la coopération avant même qu’elle n’existe. A l’époque, je travaillais pour le Courrier des Balkans et j’avais participé à l’élaboration de l’étude de faisabilité de la coopération. A ce moment-là, je ne me doutais pas encore que nous irions aussi loin ! ». Ce qu’Ivana ignorait aussi probablement, c’est que, trois ans plus tard, elle baignerait toujours dans le projet. « Après le Courrier des Balkans, j’ai travaillé pour le conseil régional de Basse-Normandie, à Caen, puis je suis revenue ici, à Skopje en tant que coordinatrice générale du projet. ». Un parcours 100% lié à la coopération qui permet à Ivana d’avoir un regard large et précis sur les trois années précédentes.
« Les deux territoires ont appris à se connaître et à apprendre les réalités de chacun. Ça n’a pas toujours été facile, car c’est une approche nouvelle pour tout le monde et parce qu’il existe de vraies différences, notamment culturelles entre nous. Par exemple, contrairement aux Français, les Macédoniens aiment fixer les rendez-vous au dernier moment. Ça peut paraître idiot, mais c’est le genre de choses qui peuvent créer de véritables incompréhensions. »
Il a aussi fallu convaincre les partenaires de la pertinence d’une telle coopération. « Depuis, les années 1990, jusqu’à aujourd’hui, la Macédoine a beaucoup bénéficié de fonds internationaux. La Basse-Normandie, elle, n’est pas un bailleur de fonds. Elle n’intervient pas en Macédoine pour construire des routes mais pour construire, avec nous, de nouvelles politiques locales. Ce qui n’avait pas été compris tout de suite ». Heureusement, très vite, cette incompréhension initiale a vite laissé la place à un véritable engouement. « Des dix partenaires du départ, nous sommes aujourd’hui à 70, qu’ils soient français ou macédoniens », se réjouit Ivana.
Doucement, on voit même ici et là les premières réalisations concrètes nées de ces réflexions communes. « Par exemple, des jeunes de Basse-Normandie, accompagnés d’experts français et macédoniens, sont venus dans une ville appelée Novaci. Pendant dix jours, ils y ont réalisé un inventaire du patrimoine. Eh bien, en nouant un dialogue avec les habitants, ils ont identifié la maison du héros de l’un des plus célèbres livres de la littérature macédonienne. Tous les journaux en ont parlé, ça a permis une promotion formidable de Novaci dans son ensemble. Les Macédoniens doivent se réapproprier leur patrimoine, la Basse-Normandie peut nous y aider… » Ivana espère désormais que ce genre d’exemples se multipliera au cours des trois années à venir, avant d’envisager, par la suite, une extension des domaines d’action et des partenariats.
Pour atteindre ses objectifs, la coopération s’appuie sur un point essentiel : la communication. Depuis 2008, côté Macédoine, c’est Elena Kostovska. qui en a la charge. Responsable de l’axe « médias » du côté macédonien, la rédactrice en chef du Courrier de la Macédoine/Glasnikot veut promouvoir la coopération en « rapprochant les journalistes des deux pays » et en incitant ses jeunes compatriotes étudiants en français, à participer au mouvement. C’est d’ailleurs avec cet objectif en tête, que le Courrier de la Macédoine a organisé, le 29 septembre dernier, une conférence réunissant des partenaires de la coopération, ainsi que des élèves francophones accompagnés de leurs professeurs.
Réunis au club des journalistes à Skopje, les uns et les autres ont pu échanger sur un certain nombre de problématiques, et s’interroger sur l’importance de la langue dans les relations internationales. A l’issue de cette rencontre, plusieurs pistes sont envisagées. « Certains ont émis l’idée d’organiser des réunions officielles, mais aussi informelles », explique Elena Kostovska. Les premières, annuelles, pourraient avoir lieu à la faculté et aborder des thèmes spécifiques liés aux questions de la traduction et de l’interprétation, les secondes, plus spontanées auraient comme but de créer des liens avec tous les francophones de Macédoine, notamment avec les Français qui travaillent et habitent à Skopje.
Comme Elena, et quels que soient leurs rôles au sein de la coopération, chacun des intervenants de Macédoine insiste sur l’importance des liens déjà créés et de ceux qui restent à tisser. Car ce point ne fait pas de mystère : plus les territoires et ses habitants se connaîtront, plus les projets se concrétiseront. Ainsi va la coopération.
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