En tant que Vice-président de la Commission de la culture du Conseil régional de Basse-Normandie, Arnaud Fontaine a séjourné en Macédoine afin de coordonner les activités d’une coopération culturelle des communes entre la République de Macédoine et la Basse-Normandie. Les activités au niveau culturel font partie du projet de coopération décentralisée entre la Région Basse-Normandie et les municipalités macédoniennes. Le projet est soutenu par le ministère des Affaires étrangères et son but principal est de renforcer les capacités des autorités locales pour la mise en place du processus de décentralisation afin de susciter une citoyenneté locale et européenne active.
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Par Gordana Kolevska
Quelle est la raison de votre visite en Macédoine ?
C’est mon quatrième séjour en Macédoine. Cette fois-ci, je viens pour faire connaissance avec deux institutions qui travaillent dans les domaines du cinéma et de la photographie, la Cinémathèque de Macédoine et le Centre national de la photographie. J’espère également avoir l’opportunité de rencontrer quelques artistes. Enfin, cette visite est surtout l’occasion de renforcer le lien du comité de pilotage avec tous les partenaires du projet de coopération décentralisée établi entre la Région Basse-Normandie et la Macédoine.
En quoi consiste le projet sur lequel vous travaillez ?
L’idée du projet est que les Français fassent connaître davantage la Macédoine, mais aussi qu’ils donnent la possibilité aux Macédoniens d’aller en France afin de découvrir notre culture. Le cœur du projet repose sur l’échange de bonnes pratiques au quotidien, et touche des domaines très variés.
De quelle façon développez-vous ces échanges de connaissances et de bonnes pratiques ?
Bien que cette coopération soit avant tout d’ordre institutionnel, les activités du projet sont regroupées en cinq axes et elles sont mises en place par des associations binômes. Le but est d’y inclure au maximum des citoyens et des organisations et ce, à plusieurs niveaux : des institutions publiques, des associations de citoyens, des chambres professionnelles ou des médias.
L’Association des Agences de la démocratie locale (AADL) est le coordinateur général du projet.
De plus, il existe en France un festival qui s’appelle le « Printemps balkanique », dont la Macédoine sera le thème principal pour les éditions de 2009 et 2010 [1].
Pour le mois d’octobre de cette année, nous allons organiser en Normandie des « journées de développement normandes » auxquelles la Macédoine sera conviée.
En fait, le but de toutes ces activités est que plus grand nombre possible de Bas-Normands découvrent les richesses de la Macédoine, ainsi que d’établir une coopération directe entre des communes de Basse-Normandie et de Macédoine dans de nombreux domaines. Parmi ces activités, il sera notamment prévu de se concentrer sur la valorisation de votre patrimoine culturel. Par exemple, nous allons nous attacher à ce que le public bas-normand découvre l’œuvre des frères Manaki, qui sont connus non seulement en Macédoine, dans les Balkans mais aussi à l’échelle mondiale [2].
Vous avez dit que le festival « Printemps balkanique » donnera une grande importance à la culture macédonienne en 2009 et 2010. Est-ce que vous connaissez les contenus du festival en France et comment seront sélectionnés les artistes macédoniens qui participeront au festival ?
Le « Printemps balkanique » est un festival qui rassemble différents univers artistiques comme la danse, la photo ou encore la musique. Le directeur artistique du festival est M. Laurent Porée, qui s’est d’ailleurs rendu en Macédoine plusieurs fois et qui travaille quotidiennement avec Lokomotiva, le Centre macédonien pour les nouvelles initiatives dans l’art et la culture. Cette association a joué un rôle considérable dans la prise de contact avec les artistes intéressés à prendre part au festival ainsi que pendant les épreuves de sélection.
En fait, la façon dont nous travaillons est similaire avec celle que nous utilisons dans le cadre de coopérations avec les pays scandinaves. Nous laissons la possibilité aux pays de faire leurs propres choix. En effet, ce sont bien plus les pays qui créent leur propre présentation que nous, organisateurs du festival. À cet effet, dans le programme de cette année, la culture macédonienne sera présentée au mois d’avril à travers ce que l’on a appelé le « Café balkanique ». Ainsi, de nombreux événements culturels seront organisés dans plusieurs villes de la région Basse-Normandie, y compris dans le chef-lieu, Caen. À titre non exhaustif, on prévoit d’y organiser une rencontre littéraire avec l’écrivain Luan Starova, des concerts de Toni Kitanovski et l’orchestre « Cerkezi », une exposition des photos de Gjorce Stavrevski, une rencontre littéraire intitulée « Contes et légendes des Balkans » avec l’écrivaine d’origine macédonienne Anastasia Ortenzio, la représentation de films tels que Je suis de Titov Veles et Comment j’ai tué un saint de la réalisatrice Teona Strugar-Mitevska, un atelier éducatif et culturel en coopération avec l’association Loja de Tetovo, sans oublier bien sûr de nombreux débats comme : « L’Europe avance-t-elle ? Où en est-on avec la République de Macédoine ».
Pour ce qui est de l’édition 2010, seule est prévue pour le moment la mise en scène du texte Esperanza de Žanina Mirčevska au théâtre du « Papillon noir » à Caen.
Quels sont les autres aspects de la coopération culturelle inclus dans ce projet ?
Un aspect important dans la coopération entre les communes de Macédoine et de Basse-Normandie est la valorisation du patrimoine, pour que ce dernier soit inclus dans la notion de développement d’un tourisme durable. Ainsi, des spécialistes de France et de Macédoine essaient d’identifier des lieux qui pourraient favoriser le développement du tourisme. Ce travail repose surtout sur la conservation et la valorisation du bâti ancien. Nous faisons généralement appel à des étudiants de France et de Macédoine pour effectuer ce travail de conservation. En plus de cela, le programme de coopération entre les municipalités englobe des activités éducatives, surtout sur l’histoire, dans lesquelles sont impliqués des lycées français et macédoniens [3]. En Basse-Normandie, on peut compter sur une trentaine d’écoles enclines à coopérer avec la Macédoine à travers des sujets historiques, principalement la Première Guerre mondiale et le front d’Orient. Cela peut aussi prendre la forme d’échanges sur la manière dont on enseigne l’histoire en Macédoine.
Quels enseignements pourraient tirer les participants macédoniens de la manière dont est traitée l’histoire en Basse-Normandie ?
Impossible de parler d’histoire en Basse-Normandie sans faire référence au « Mémorial de la Paix » de Caen, qui demeure un des musées les plus prestigieux de France. Ce musée situé sur les plages du Débarquement est un véritable lieu de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, quotidiennement visité par des milliers de visiteurs du monde entier. On offre aux participants macédoniens avec lesquels on travaille sur l’histoire la possibilité de visiter ce musée. Vous n’êtes pas sans savoir que c’est en Basse-Normandie qu’a été tourné le film de Steven Spielberg Il faut sauver le soldat Ryan. Nous avons d’ailleurs effectué un parcours historique retraçant les moments clés de la Seconde Guerre mondiale. C’est une occasion unique pour nos visiteurs macédoniens de poser le pied sur ces lieux riches en histoire. Nous n’oublions pas bien sûr de leur faire découvrir les lieux du tournage du film de Steven Spielberg qui est selon moi, l’un des chefs-d’œuvre cinématographiques de la fin du XXe siècle.
D’un point de vue local, ce projet prévoit-il une coopération commerciale et économique entre ces deux pays ?
Bien sûr ! La Macédoine se trouve aujourd’hui dans une phase importante de décentralisation, alors que l’on peut considérer que la France se trouve elle actuellement dans sa troisième phase de décentralisation. D’où la nécessité de coopérer sur ce phénomène de décentralisation, un élément très important tant pour les habitant de Basse-Normandie que pour la Macédoine. D’après mes connaissances, la Macédoine possède un secteur associatif développé, surtout au niveau culturel. Nul doute que ce secteur-clé pourrait contribuer à un développement économique. En France en revanche, nous sommes attachés à l’importance des institutions, c’est-à dire à notre secteur public. Je reste persuadé que nos deux pays auraient beaucoup a gagner d’une bonne coopération sur de tels types de sujets.
Vous avez mentionné la coopération avec les pays scandinaves, pouvez-vous nous en dire plus sur vos expériences passées ?
Effectivement, je suis le président du plus grand festival européen qui rassemble des pays scandinaves et nordiques, « Les Boréales » [4]. Ce festival a contribué à donner une autre image des pays scandinaves en France. Il faut savoir sortir des clichés des Vikings qui nous ont envahis il y a de cela un millénaire. Ce festival nous a permis de nous ouvrir à la culture des communautés locales de Scandinavie, sur des sujets divers tels que l’éducation, l’économie ou la culture.
Le succès des « Boréales » fait qu’il a désormais le privilège d’être l’un des dix festivals nationaux français soutenu par le ministère français de la Culture. De plus, ces expériences sont aussi l’occasion d’effectuer des rencontres très enrichissantes. Il y a quinze ans de cela, j’ai rencontré Vigdís Finnbogadóttir, l’ancienne Présidente de l’Islande, la même qui est désormais connue dans l’Histoire pour être la première femme Présidente d’un État dans le monde.
Aujourd’hui cette dame est une grande amie du festival. Elle faisait d’ailleurs partie du jury de sélection pour l’édition de 2008. Nous sommes très fiers des relations que nous entretenons avec elle, d’autant plus que cette coopération date de l’époque où le monde entier a été surpris par le fait qu’une femme puisse diriger un pays.
Vous dites que vous êtes en Macédoine pour la quatrième fois. Qu’avez-vous eu l’occasion de voir dans ce pays ? Quelles sont les choses qui vous ont laissé une bonne impression?
Je vous avoue avoir un faible pour Ohrid et Bitola. Mais ce qui me plaît avant tout en Macédoine, ce sont les gens. J’ai eu ici l’occasion de rencontrer des gens éduqués, cultivés, intéressants. Pour quelqu’un comme moi, qui avait l’habitude d’être tout le temps à « 100 à l’heure », les rencontres que j’ai pu faire en Macédoine m’ont beaucoup influencé dans ma manière de vivre. J’ai réalisé qu’il était tout à fait possible de vivre d’une manière plus calme. Et je dois avouer qu’il est bien plus agréable de travailler dans de telles conditions. J’ai même eu l’occasion d’assister à quelques expositions d’artistes locaux qui m’ont laissé de très bons souvenirs. Mais je ne me rappelle malheureusement pas de leurs noms.
Combien de temps durera ce projet de coopération décentralisée entre la République de Macédoine et la Basse-Normandie ?
Pour l’instant, je peux vous affirmer qu’il durera encore un an et demi. Mais j’espère bien prolonger ce projet pour six années supplémentaires. Quoi qu’il arrive, notre intention reste de travailler à long terme, pas à pas.
Pourquoi cet échange de bonnes pratiques est-il si important au niveau local ? S’agit-il d’une manière plus simple de rapprocher des gens de différentes cultures ?
Généralement, lorsque les pays coopèrent entre eux, ils se mettent d’accord pour échanger, mais cela a rarement une influence directe sur la vie des gens. En revanche, une coopération au niveau local a bien plus de chances d’avoir un impact sur le quotidien des populations locales.
Pour illustrer cette idée, nous avons deux slogans en France. Le premier intervient au niveau national : « Changeons la vie », le second, au niveau local, « Changeons nos vies ».
Les activités que nous entreprenons doivent pouvoir aboutir à des résultats concrets. L’objectif de la coopération entre la Basse-Normandie et la Macédoine est de renforcer la coopération directe entre nos deux municipalités. De cette coopération directe entre les autorités locales peuvent éclore des sentiments très forts. Ainsi, ce sont les rencontres de citoyens français et macédoniens qui renforcent le sentiment d’appartenance et l’idée d’une citoyenneté européenne.
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[1] Lire notre article « En 2010, un « Printemps Balkanique » consacré à la Macédoine ».
[2] Lire l’article « Macédoine : un festival, deux tapis rouges ».
[3] Lire notre article « Rapprocher les lycéens macédoniens et français ».