Interview de S.E. Mme Laurence Auer à Radio Free Europe
S.E. Mme Laurence Auer a accordé une interview à Radio Free Europe qui a été publiée le dimanche 26 mai 2013. Vous pouvez retrouver l’interview ici.
Voici la retranscription de l’interview :
1. Votre Excellence, partant de la situation actuelle, la Grèce bloquera à nouveau les négociations de la Macédoine avec l’UE au sommet de juin car nous n’avons pas jusqu’à ce moment l’impression que des signaux de compromis sur le nom peuvent être atteints. Qu’attendez-vous que la Macédoine fasse dans cette situation ?
Merci de cette première interview, je suis très heureuse de pouvoir m’exprimer à travers votre radio et d’avoir la possibilité d’évoquer ce qu’il se passe dans les négociations avec l’Union européenne. Avant le sommet européen des 27 et 28 juin, il est vrai que la question du nom est absolument cruciale. Depuis le rapport de la Commission du 16 avril, nous cherchons à montrer tous les progrès qui peuvent être faits, mais c’est sur cette question du nom, qui a été mise en avant lors du Conseil européen de décembre, qu’il y aurait quelque chose qui pourrait permettre d’avancer et de débloquer la situation. Que se passe-t-il dans cette préparation ? Tout d’abord, ce n’est pas l’Union européenne, ni la France qui négocient. Un négociateur a été désigné par les Nations Unies et celui-ci a fait des propositions. Ces propositions sont sur la table, on attend que les deux parties répondent. Dans l’intervalle, jusqu’au Conseil européen, il est important que l’on ne se renvoie pas la balle pour savoir qui est responsable. Il faut que chacun fasse son travail et que la Macédoine progresse sur cette question du nom, avant le Conseil des 27 et 28 juin.
2. Estimez-vous qu’il existe de la capacité en Macédoine pour traiter le problème qui bloque son intégration européenne ?
Le rapport de la Commission européenne d’avril a été extrêmement neutre, aussi, par tous les moyens, nous cherchons à montrer que les choses avancent. Sur la question du nom, c’est compliqué de vous répondre parce que la négociation a lieu à New York et surtout parce que en ce qui concerne les relations de bon voisinage, entre deux pays, les ambassadeurs de l’Union européenne ne sont pas les négociateurs. Mais ce que je peux dire, c’est que l’avancée qui vient d’être faite avec l’accord entre la Serbie et le Kosovo montre bien qu’il existe une dynamique régionale. Cette dynamique doit aussi servir à la Macédoine. L’intégration européenne n’est pas une promesse non tenue, l’intégration européenne est un mouvement qui avance avec des progrès sur les questions qu’on a identifiées. Qu’est-ce qu’on peut faire pour aider, pour faire en sorte que cette négociation, qui se tient en secret, puisque si les choses étaient publiques, il ne serait pas possible de surmonter les difficultés, avance ? Elle se tient donc en secret mais il est nécessaire que les choses avancent avant le mois de juin.
3. L’Euro-commissaire Füle dans l’entretien pour RFE a récemment fait la déclaration suivante : « nous avons tout fait pour vous appuyer, maintenant la balle est dans votre camp ». Identifiez-vous une atmosphère dans le pays pour prendre les affaires en main propre et faire un pas en avant ?
Oui, bien sûr. Je l’espère, parce qu’il faut bien voir ce que les Etats membres font. Il n’y a pas seulement le Commissaire à l’élargissement, il y a derrière le budget. Je rappelle qu’aujourd’hui les fonds de pré-adhésion sont dépensés sur le territoire et qu’au jour le jour, on construit quelque chose. J’étais pour la journée du 9 mai avec ma collègue allemande Gudrün Steinacker à Kavadarci. Nous avons inauguré un projet dans le domaine du vin, le musée du goût et des saveurs, avec le maire, M. Alexandre Panov, les représentants de la ville voisine grecque d’Edessa, et avec le ministre de l’autonomie locale, M. Tahir Hani. Donc ce qui est important aujourd’hui, c’est que les Etats membres aient une perception positive de la Macédoine, et je le redis, on a besoin d’un geste, pour que la négociation que l’on appelle dans notre jargon les « relations de bon voisinage », et sur cette question du nom que l’on sache qu’il y a un mouvement et qu’on aille de l’avant. La dynamique régionale existe, on va accueillir la Croatie, les Etats membres ne sont pas dans l’esprit de bloquer, et sachez aussi que la France est un pays ami, nous avons fait énormément d’efforts en Macédoine depuis des années, beaucoup de crédits, beaucoup de coopération. Chaque fois qu’un projet européen se construit, il y a aussi de la coopération bilatérale, donc cette idée que les choses vont se faire comme ça, par la voie de l’intervention extérieure est fausse, c’est la volonté des deux pays d’aller de l’avant qui est attendue par les Etats membres. Nous ne pouvons pas le faire à la place des deux pays voisins.
4. Est-ce qu’il y aura un effet sur l’intégration européenne de la Macédoine suite à la conclusion de l’accord entre le Kosovo et la Serbie, c’est-à-dire que finalement, tout est possible avec de la volonté politique ?
Cet accord crée dans la région un effet d’entraînement. Je souhaite, je pense qu’il peut servir à l’intégration euro-atlantique de la Macédoine parce que le modèle qui avait été défini, de pays interethnique, le modèle de paix et de réconciliation qui est celui de la Macédoine a montré le chemin historiquement et est un modèle extrêmement utile dans la région. L’accord du 19 avril entre la Serbie et le Kosovo ne résout pas toute la situation, mais c’est une percée, une avancée. C’est un accord qui a été salué, unanimement, par les ministres des Affaires étrangères et bien sûr, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères français. Je ne sais pas s’il sera facile à mettre en œuvre, bien sûr, les obstacles sont là, il n’y a pas tous les éléments qui nous permettent aujourd’hui de dire si ça créera un instant décisif et si tous les obstacles sont surmontés, mais voilà quelque chose qui crée pour toute la région des Balkans occidentaux une avancée qui doit servir à la Macédoine.
5. Même s’il y a beaucoup de rapports positifs, nous avons reçu récemment aussi des critiques dures de la part de l’Euro-commissaire Stefan Füle selon lequel le processus démocratique dans le pays régresse. Comment évaluez-vous ceci ?
Il y a plusieurs questions dans ces réformes. Il y a bien sûr les lois qu’on approuve, et il y a ensuite l’application des lois. Parfois, on a imposé, appliqué des lois en pensant bien faire, mais la mise en pratique a posé des problèmes. La question de la liberté de la presse est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup. C’est un point qui était déjà mentionné par mon prédécesseur Jean-Claude Schlumberger dans une interview qu’il vous a accordée en 2011, parce que ça va être un des testeurs pour nos opinions publiques d’une capacité, d’une maturité d’une société à l’instant présent. C’est vrai qu’on a vu une dégradation. L’ONG Reporters sans frontières, le Département d’Etat, dans le domaine de la presse, on a une concentration des médias et la nécessité de regarder cela avec franchise, et je suis heureuse que votre Vice-premier ministre, M. Fatmir Besimi, ait repris l’attache des différents syndicats de journalistes pour discuter de cette question. C’est fondamental parce qu’aujourd’hui l’image du pays va passer par les journalistes.
6. Est-ce que vous voyez de l’avancement du dialogue politique dans le pays après les engagements de l’accord de mars ?
Nous espérons tous que cette Commission va pouvoir fonctionner, et que les membres et la Présidence sera trouvée. Il y a tout le fonctionnement, il y aura tout un processus à nouveau électoral qui va s’enclencher, on va avoir un dialogue, je l’espère, avec les principaux journalistes des syndicats sur la loi sur les médias, donc c’est un ensemble sur lequel le Commissaire Füle a beaucoup insisté et bien sûr nous sommes d’accord, nous l’appuyons. Vous dire si un accord va être trouvé, je l’espère.
7. Vous avez récemment organisé un forum économique. Y a-t-il une possibilité pour avancer la coopération économique entre la France et Macédoine et éventuellement attendre un nombre accru de sociétés intéressées pour investir dans notre pays ?
D’abord, il faut souligner que toute l’Europe cherche à retrouver de la croissance. C’est un effort où l’on intègre les pays candidats et c’est positif pour la Macédoine, parce que c’est un pays qui a des résultats économiques qui sont relativement sains et que la crise économique bien sûr avec l’appui de la Banque européenne d’investissement- la BERD, et des fonds IPA, c’est un appui qui a été important. C’est dans l’intérêt de tous les pays, c’est-à-dire que c’est dans l’intérêt de la Macédoine d’avoir des investisseurs français, et c’est dans l’intérêt de la France d’avoir des débouchés économiques. On a des entreprises qui sont des géants mondiaux. L’Union européenne est la première puissance économique mondiale comme vient de le rappeler le Président de la République dans une intervention sur l’Europe. Aujourd’hui le Conseil européen et le Conseil des ministres des affaires étrangères ont pour agenda de retrouver la croissance. Le travail bilatéral permet de travailler sur le terrain économique, alors pourquoi avoir organisé un Forum ? Parce qu’on a l’impression que la France est peu présente, or la France possède aujourd’hui une grande banque qu’elle a achetée en 2007, et qui a un très grand succès, Ohridska Banka, puisqu’elle a doublé ses parts sur le marché macédonien des banques. Mais aussi depuis deux ans, il y a Carrefour, M. Bricolage, et un certain nombre de perspectives et d’intérêt des grandes entreprises françaises pour accompagner le développement des secteurs de l’énergie ou bien de l’environnement. Ces entreprises sont leaders sur ces marchés, c’est donc un intérêt bien compris entre la France et la Macédoine d’aller de l’avant sur ces secteurs.
Merci beaucoup à vous.
publié le 29.05.2013
Français
01.04.2013
Source: Ambassade de France en Macédoine